LA PANAGIE OU L'ERMITAGE
DE LA DORMITION DE BAKHCHISARAI
EN
CRIMEE

(La brève discription historique)

1908


Chapitre 1

           Le monastère de la Dormition de Bakhchisaraï se situe non loin de la frontière nord de la ville de Bakhchisaraï, dans le profond défilé nommé chez les Tatars « Meriem », c'est-à-dire le défilé de Marie, qui est entouré des deux côtés par d’immenses falaises droites dont la hauteur atteint jusqu'à 70 sagènes.
Le monastère se trouve dans un des lieux de Crimée les plus déserts et majestueux en même temps. Selon les dires des témoins oculaires, cette localité ressemble à celle de la chartreuse de Guéorgui Hozevit située près de Jérusalem, célèbre par son aspect désertique sauvage. Les restes des diverses végétations couvrant tout le ravin, témoignent qu’un bois épais s’étendait ici autrefois, et que, des siècles durant, la proximité même de la capitale du khan ne pouvait exterminer.

  Pendant les derniers siècles, une colonie grecque s’est longtemps abritée aux pieds du rocher ; ses restes représentent aujourd’hui des cavernes servant aux Grecs d’habitations. Cette localité s'appelait Marianopol ou le village de Marie, du nom l’icône de la Mère de Dieu Panaguia apparue au rocher. Ce village est mentionné déjà dans le célèbre Livre du Grand Plan, donc, au plus tard au XVI siècle ; et dans les notes de voyage menées par notre ambassade à Tavrida  en 1625, on dit entre autres, que nos ambassadeurs, au terme des affaires chez le khan, avant de regagner la patrie, faisaient leur prière de remerciement dans le village de Marie, c’est-à-dire au rocher de la Dormition. Les chrétiens grecs, vivant au voisinage avec les musulmans tatars, supportaient de la part de ces derniers de constantes oppressions. Sous le joug des Tatars sauvages et fanatiques, les chrétiens éprouvaient tous les revers de fortune avec une rare abnégation: ils partaient dans les bois et cavernes, où ils se consacraient entièrement au service de Dieu. Certains chrétiens vivaient simplement dans les cavernes, d’autres fondaient des monastères. Les monastères attiraient particulièrement l'attention des Tatars en tant que principal support de la vie religieuse et morale des chrétiens : ils les détruisaient et brûlaient les livres sacrés. Les chrétiens reconstruisaient ces monastères, mais les Tatars les détruisaient à nouveau de fond en comble. Au XV siècle, la plus grande partie de la Crimée du sud avec tous les chrétiens est passée sous la domination des Turcs. Les Grecs vivaient à présent entre deux peuples confessant l'Islam : les Turcs et les Tatars. C’est à partir de cette époque-là que commencent les temps pénibles pour les chrétiens de Crimée. La religion musulmane a  embrassé toute la péninsule de Crimée. Les relations tendues se sont établies entre les Turcs et Tatars d’une part et les chrétiens de l’autre; et pour ces derniers, sont arrivés les temps difficiles des adversités et des persécutions. Les chrétiens de Tavrida ont perdu courage dans la lutte inégale contre les musulmans et lorsqu’il ne leur restait manifestement aucun espoir de sauver leur foi et le christianisme ne devait disparaître, sur l’inabordable rocher de Bakhchisaraï, au centre de l’islamisme, s’est manifestée l'image de la Mère de Dieu. Voici ce qu’en dit la légende populaire, sauvegardée pour nous par les écrivains russes de XVII siècle :

          « Il était autrefois dans ces montagnes rocheuses (où se trouve aujourd’hui le monastère), un dragon, qui dévorait des hommes et des animaux, et à cause duquel les gens quittèrent ces lieux ; mais les Grecs et les Géniens, y habitant à la même époque, priaient la Sainte Mère de Dieu la suppléant de les délivrer de ce dragon. Une nuit, on aperçut dans la roche une bougie allumée. Ne pouvant pas escalader la montagne escarpée, on tailla un escalier dans la roche. Arrivé là-haut, où était allumée la bougie, on trouva l’Icône de la Mère de Dieu et la bougie allumée devant elle. Dans la joie, on rendit grâce à Dieu qui délivra son peuple du dragon. On découpa celui-ci en morceaux qu’on brûla. Et depuis ce temps, les habitants de ces lieux s’y réunissent souvent pour prier la Sainte Mère de Dieu.

         Une autre légende raconte: "il y a bien longtemps, le berger d'un prince, prénommé Mikhaïl, fit entrer son troupeau dans l’actuel ravin de la Dormition et il vit sur le rocher, à 10 mètres  de la terre, l'icône de la Mère de Dieu et devant elle une bougie. Frappé par le miracle, il en informe ses chefs, et quand cette nouvelle arrive au prince, il ordonne de faire descendre l'icône et la transférer dans une maison se trouvant dans les montagnes voisines. Malgré la vénération, avec laquelle le propriétaire accepta l'icône, le lendemain elle n’était plus dans la maison :

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elle se trouvait de nouveau à son ancienne place, sur le rocher. La même chose se reproduisit encore une fois, lorsqu’elle fut reprise de nouveau du rocher. Tous comprirent alors que la Mère de Dieu ne désire pas que sa sainte image repose ailleurs que sur ce rocher, où elle apparut pour la première fois. Sans tarder, on décide d'arranger un petit temple dans le rocher, contre cette place, où est venue la sainte icône. A l'intérieur du rocher, on a fait une caverne  et, en dehors, l'escalier y menant.  Dans cette caverne on a placé l'icône apparue récemment. »

        L’apparition de la sainte icône a eu lieu le 15 août, et le nouveau temple est dédié à la Dormition de la Mère de Dieu.

      L’apparition miraculeuse de l'icône de la Mère de Dieu et la fondation de l'église de la Dormition se rapportent au milieu du XV siècle, mais déjà à la fin du XVI siècle, on rencontre des nouvelles sur l’existence du monastère Salatchik, qui se trouvait au même endroit que l’actuel monastère de la Dormition. À cette époque, le monastère envoyait au Tsar de Moscou Fiodor Ioanovich, un homme de confiance, demander l’aumône.

         Au début du XVII siècle, des affaires du même ordre, nous apprenons l'existence de l'église de la Dormition de caverne, mais à la fin du XVIII siècle, nous lisons dans la lettre du prince Prozorovski à M Roumiantsev-Zadounaiski du 31 mai 1777, « que près de la ville de Bakhchisaraï, depuis les temps anciens, il y a une petite église grecque taillée dans la montagne, qui, bien que restaurée, est cependant en décadence, et que l'évêque, s'étant entrevu avec celui-ci, a fait part de son intention d’en construire une nouvelle et plus convenable. »

         L’apparition miraculeuse de la sainte icône a apporté aux chrétiens l'aide Divine, la couverture de la Mère de Dieu elle -même. Ils repartaient pour la guerre de la confession de la foi sacrée, avec l’espoir ferme que la Très Sainte Mère de Dieu ne les laissera sans protection. Le temple taillé dans le rocher, où l'icône est apparue, est devenu un endroit particulier de prière pour eux : ici, ils s’affermissaient d'esprit pendant de terribles tortures, dans le temple, ils se sentaient membres d’une seule famille du Père Céleste, protégée par la Providence Divine. Une telle signification du temple incitait de nombreux chrétiens à s'installer près de lui, à se consacrer entièrement à Dieu. C’est ainsi qu’apparu le monastère de Bakhchisaraï. Le mérite Principal de ce monastère est dans le soutien et l’encouragement des chrétiens dans la lutte contre l'islamisme. Il a uni les chrétiens et a protégé la sainte foi contre la poussée sauvage de l'Islam. Ici, il y avait même la chaire de Métropolite. On ne saurait dire avec précision quand elle était transférée ici, mais le fait que le dernier

métropolite Ignatie vivait là, le prouve bien.

      Ainsi,  le monastère de Bakhchisaraï était le centre de la vie religieuse des chrétiens dans le khanat de Crimée : il les guidait dans leur édification spirituelle. S’il n’y avait pas eu de joug tatar, c’aurait été un monastère majestueux et bien aménagé, mais le fanatisme mahométan interdisait aux chrétiens même d’ériger les croix sur les églises, les épuisaient par des travaux au-dessus de leurs forces et des tailles. Il ne restait plus rien des grandes culture et civilisation grecques. Nombreux étaient ceux qui ont assimilé la langue et les coutumes tatares. Les huttes et cavernes ont replacé les temples et palais.

       Lorsque la tension a atteint son apothéose dans les relations entre les Grecs et Tatars, les Grecs ont demandé de l’aide à la Russie. La Russe, ayant elle-même supporté le joug tatar, a toujours sympathisé à ses coreligionnaires grecs. Les Grecs, depuis longtemps, recevaient de Moscou l'aumône. Ils comprenaient que seulement les Russes, devenus vainqueurs, sont en mesure de les aider (à cette époque, la guerre entre la Russie et la Turquie avait déjà commencé).

         En 1778, selon le Plus haut désir exprimé, le commandant en chef des troupes russes M Roumiantsev est entré en relation avec le Métropolite Ignati, l’ancien chef des chrétiens de Crimée, et lui a proposé de déménager avec tous les chrétiens de la Crimée sur les territoires russes.

         Le 23 avril, le jour de sainte Pâques, après la liturgie dans l’église de la Dormition  du monastère actuel, le Métropolite a porté cette proposition à ses ouailles. La nouvelle sur l’exode des chrétiens s’est répandue dans toute la Crimée.

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Les Tatars interprétaient avec une indignation extrême l’exode des chrétiens et murmuraient contre le khan, qui regardait les dispositions russes avec indifférence. Mais le métropolite Ignati, grâce à ses efforts vigilants, aux lettres d’exhortation et aux prêtres envoyés sciemment dans les villages, a obtenu que tous les chrétiens se soient décidés unanimement à quitter pour toujours la Crimée et à déménager sur les territoires russes.

À cette époque, le monastère de la Dormition de Bakhchisaraï  est de nouveau un point particulièrement important pour les chrétiens de Crimée. Les fils de Pantikopei, Feodossia et Khersones se réunissent au monastère pour la dernière prière à la Très Sainte Mère de Dieu qui les protégeait par son voile pendant plusieurs siècles contre la violence des musulmans.La séparation des Grecs avec les bords chers au cœur de la Тavrida était difficile! Le Métropolite a effectué les prières de remerciement et d'adieu. Après la prière, le Métropolite, les prêtres et tous les chrétiens ici présents ont solennellement levé l'icône miraculeuse de la Mère de Dieu et se sont mis en route, en une longue file, avec les chants et les prières, à travers les montagnes et les plaines, ayant pour toujours quitté les bords chers au cœur, le pays natal  et tout ce qui leur était précieux, pour la Novorussie, où dans les environs de la ville de Marioupol se trouve à présent  la sainte icône sortie du monastère de la Dormition. Cet événement dans l'histoire du monastère de Bakhchisaraï à Tavrida est à l’origine de la fermeture de ce dernier pour un certain temps. En 1781, le prêtre grec Konstantin Spirandi est arrivé d’Antioche au quai Bouiuk-Lokbet. Les chrétiens restés dans la Crimée, ayant appris cela, lui ont demandé de rester chez eux pour servir au monastère de Bakhchisaraï (l'église de Saint Ilia à Bakhchisaraï s'est écroulée avant le départ des Grecs).

À cette époque, la Crimée était sous la domination de la Russie, des troupes russes étaient présentes à Bakhchisaraï, et le besoin des offices religieux était double. Ce prêtre a accepté de rester chez les Grecs, et jusqu'à 1800, a vécu près de l’église du monastère de la Dormition. Lorsque les Grecs ont construit pour eux un temple dans la ville de Bakhchisaraï, alors Konstantin Spirandi a vécu à Bakhchisaraï jusqu'à sa mort, en  effectuant des services religieux spirituels pour les chrétiens, il a été inhumé sous la roche devant l'église de la Dormition. A partir ce moment commence la rénovation du monastère. Le colonel Totovich, commandant de Bakhchisaraï,  a fait don d’une sainte iconostase, et le gouverneur militaire, le général Kahovsky, a fait faire à ses frais les portes royales, le marguillier M Stefan Kaliga, a élargi le temple de caverne et a arrangé le perron et le balcon.

En 1800, un temple dédié à Saint Nicolas Thaumaturge a été bâti à Bakhchisaraï et le monastère réorganisé en l'église de cimetière. Il a gardé ce status, rattaché à l'église urbaine synodique et sans son propre personnel de culte, pendant 50 années. Mais la providence Divine ne le laissait pas à cette époque, en manifestant sa présence invisible par la force miraculeuse qui s’étendait au-dessus des malades, qui, avec foi, accouraient au lieu saint. Après le départ du monastère des Grecs avec l'icône miraculeusement apparue, de nouveaux miracles ont commencé à se produire de l'icône de la Dormition de la Mère de Dieu à  l’église de la Dormition. Cette icône a été offerte en 1781 par le commandant (des Serbes) de Bakhchisaraï, le colonel Totovich. De la multitude des miracles produits sous les yeux du starets de Bakhchisaraï l'archiprêtre Konstantin Spirandi, décédé à 80 ans, nous ne mentionnerons que deux particulièrement remarquables.

Un Grec, originaire d’Anatolie avait un fils de 16 ans avec les bras et les jambes courbées par une maladie grave depuis plusieurs années.

Attristé par la souffrance de son fils, le père a entendu un jour, dans son sommeil, une voix l’appelant aller chercher la guérison au rocher de la Dormition.Ici, après la prière avec un Hymne Acathiste devant l’icône de la Dormition de la Mère de Dieu, après avoir baisé cette icône, le malade a senti une affluence extraordinaire des forces dans tout le corps; cependant, il a été descendu du rocher sur les mains des parents, mais une heure plus tard, lorsqu’on s’est mis en route pour la maison, le malade a soudain étendu les bras et les jambes, a sauté du char, a commencé à courir et à sauter de joie en s'exclamant que la mère de Dieu l'a guéri.

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De la même manière, un officier malade d'Evpatoria du nom d’Anastasias Doussi, souffrant de l'esprit malin, était amené au rocher, lié aux mains et aux pieds, et, dans cet état, entré au temple de caverne.
Ici, après la lecture au-dessus de lui des prières avec l'adjuration des esprits malins, après l’apposition de l'icone de la Dormition de la mère de Dieu sur le malade, celui-ci est revenu à lui immédiatement, s'est consolé et a commencé à causer raisonnablement, disant qu'il s'est libéré de l'esprit malin qui le torturait, grâce à la bonté de Dieu. Puis il est revenu tranquillement à la maison, et depuis ce temps-là et jusqu’à la fin de sa vie, il a nourri une vénération particulière envers l'icône de la Dormition de la mère de Dieu.

De tels signes de la force miraculeuse de Dieu, entretenaient constamment chez la population orthodoxe de la Crimée le zèle pieux envers le rocher de la Dormition, qui s'exprime encore maintenant, surtout le 15 août, jour de la fête de la Dormition de la Mère de Dieu, où la foule de pèlerins afflue de toute la Crimée. Rares sont les voyageurs en Crimée qui n’ont pas visité ce rocher et son ancien temple de caverne. Parmi les visiteurs, le rocher sacré a eu la consolation de voir, durant des années, des monarques eux-mêmes de la Russie et presque tous les membres de l’Auguste Maison.

Il est nécessaire de mentionner un acte touchant de l'Empereur défunt Alexandre Blagoslovenni. En visitant le temple de caverne en 1818, il a demandé à l'archiprêtre Spirandi qui l’avait invité : "Où est le lieu d’apparition de la sainte icône?" Le starets l’a fait sortir alors du temple sur le balcon et indiqué le mur avec la représentation de la face de la Mère de Dieu. Le Pèlerin Couronné a ordonné d’apporter un escalier et une bougie, est monté vers l'icône, l’a baisé avec une vénération particulière, et de sa propre main a mis devant l’icône dans le mur en pierre la bougie allumée.

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*Ce même monastère est connu chez eux sous le nom de Мariem-Anai, autrement dit La petite mère Marie.

* De l'auteur. Panaguia  traduit du grec signifie "Toute sainte", "Très sainte" - le nom donné à la Mère de Dieu dans les prières (Livre de chevet du serviteur du culte. L’édition du Patriarcat de  Moscou  V. 4. 1993. P. 741).

* En général, les Grecs donnent le mot Panaguia à La Mère de Dieu, comme Toute sainte (une Nouvelle table de la loi ou l’exégèse de l'Église, de la Liturgie et de tous les services et ustensiles d'église de l'archevêque de Nijni  Novgorod et d'Arzamas Veniamin. SPB. 1889. P 472)

* Le livre du Grand Plan. Moscou. 1846. P 21

* Les notes de la société d'Odessa de l'histoire et des anciennetés.1850. V. 2. P 611.

* De l'auteur : En 1475, les troupes du sultan turc Mahmed II, se sont emparés des colonies de Gènes et de la principauté Feodoro, situées en Crimée du sud et de l’est. Tous les chrétiens ne sont pas passés sous le pouvoir des Turc. Une partie est restée sur le territoire du khanat de Crimée dépendant de l'empire des Osmans. Andreï Jazykov. L'histoire de Scythe. Voir aussi "L'histoire de Scythe " de LIzov,2ème partie, Livre. 4, P 4.

* Dans les archives des affaires étrangères de Moscou, il y a un document dans les affaires de l’ambassade en Crimée, où on dit " le 27 mai  1596, selon l’ukase du Grand Prince de toutes les Russies Fiodor Ivanovitch, en la mémoire (pour l’information) de Boliarine, le Prince Ivan Vasilievitch Sitskii, est arrivé, de la Crimée du couvent de la Toute Pure Mère de Dieu à Salatchik, chez le Souverain, Tsar et Grand Prince de toutes les Russies Fiodor Ivanovitch, le Grec Pasqualii accompagné des messagers de Crimée, demander l'aumône, cependant, avant son arrivée, il a été envoyé à ce couvent à la Toute Pure à Salatchik, selon la charte du Souverain, une aumône de 15 roubles. A présent, les Boyards ont condamné à envoyer à ce couvent avec le Grec Pasqualii 15 roubles". *Avant la conquête de la Crimée par la Russie, l’église orthodoxe de Crimée dépendait du Patriarcat de Constantinople, les archives de ce dernier en contiennent des renseignements.

* Cette icône miraculeuse porte le nom de lcône de La Mère de Dieu de Bakhchisarai, mais elle est connue également sous d’autres noms : Panaguia, l’icône de La Mère de Dieu de Crimée ou de Marioupol.

* De l’auteur : le nom déformé du village Biyuk-Lambat. Dans la première édition de 1880, est indiquée une autre colonie Koutchouk-Lambat. Les deux se situaient sur la côte sud de Crimée, entre les montagnes Ayou-Dag et Castel.

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Le monastère de la Dormition a eu le bonheur de recevoir les Hautes personnalités suivantes:

  1. Le Souverain Empereur Alexandre I en 1818 et en 1825 ;
  2. L’empereur Nicolas I le 26 juin 1817 et en septembre 1837 ;
  3. L’Impératrice Alexandra Fiodorovna le 13 septembre 1837 ;
  4. L’Héritier Tsarévitch Alexandre Nikolaïévitch le 14 septembre 1837 ;
  5. La Grande-duchesse Maria Nikolaïevna le 13 septembre 1837 ;
  6. La Grande-duchesse Maria Pavlovna la 30 mai 1838 ;
  7. La Grande-duchesse Elena Pavlovna la 1er septembre 1838 ;
  8. Le Grand Prince Constantin Nikolaïévitch le 2 septembre 1845 et le 19 mai 1850 ;
  9. Les Grands Princes Nicolas et Mikhaïl Pavlovitch le 1er octobre 1854 ;
  10. Son Altesse le Duc Georges de Mecklenburg le 1er novembre 1855 ;
  11. Empereur Alexandre II et L’Impératrice Maria Alexandrovna avec leurs augustes enfants Le Grand Prince Sergueil Alexandrovitch et La Grande Princesse Maria Alexandrovna le 1er novembre 1861 ;
  12. L’Héritier Tsarévitch Alexandre Alexandrovitch le 13 septembre 1863 ;
  13. Sa Majesté Impériale Le Souverain Empereur Alexandre Alexandrovitch, L’Impératrice Maria Fiodorovna, L’Héritier Tsarévitch Nicolas Alexandrovitch, Les Grands Princes Gueorgui Alexandrovitch, Alexeï Alexandrovitch, La Grande Princesse Ksénia Alexandrovna le 4 mai 1886.

De l’auteur : La première de l’Auguste Maison des Romanov qui a visité le Rocher de la Dormition, était l’Impératrice Catherine II qui, le 21 mai 1787, avec l’Empereur de Rome Joseph II, « faisait une prière dans le temple de la grotte du monastère de la Dormition». (A. Oumanets, Les récits historiques sur la Crimée. 1887. Réédition dans la revue « Les bords de la Tavrida » 1992, N° 1, p 253). Sa Majesté Impériale Le Souverain Empereur Nicolas II, s’acquittant de son devoir d’illustre monarque, a visité le monastère de la Dormition plusieurs fois. La dernière fois il s’est rendu au monastère le 30 août 1931 accompagné de la Grande-duchesse Olga Alexandrovna et des Grandes Princesses Olga Nikolaïevna, Tatiana Nikolaïevna, Anastasia Nikolaïevna (revue « La parole de Crimée », 19213, N° 5, p.20).

CHAPITRE II
OUVERTURE DU MONASTERE DE LA DORMITION DE BAKHCHISARAÏ

Le monastère de la Dormition de Bakhchisaraï a été ouvert en 1850. L’événement suivant a servi de prétexte à son ouverture. En 1848, l’archevêque de Kharkov  Innokenti a été nommé à la chair de Kherson et de Tavrida.

En visitant la Crimée, son Eminence a prêté attention à l’abandon des anciens lieux saints dans les montagnes de Tavrida, et a fait une proposition de restaurer tout au moins les plus importants avec l’instauration de la vie monastique selon le mode et l’image du saint mont Athos.

Le célèbre rocher de la Dormition, connu depuis longtemps et très visité par les pèlerins, a été choisi pour accueillir le principal monastère qui gouvernerait ceux qui s’ouvriront dans les autres lieux saints. Cette proposition, présentée au Saint Synode, a été approuvée, et le 15 avril 1850, a été honorée du plus haut entérinement. Le 15 août de la même année, le monastère de la Dormition a été inauguré en présence de nombreux témoins.


C'est ainsi qu'un temoin ayant assiste a cette celebration spirituelle, decrit l'inauguration:

Le bruit sur la reconstruction des anciens lieux saints s'est repandu dans nos montagnes des le printemps et a rempli de joie tous ceux qui portaient leur attention vers ces lieux, dignes d'etre releves des ruines pour retrouver leur ancienne splendeur. De ce fait, depuis le debut du mois d'aout, des visiteurs pieux et des pelerins ont commence a affluer vers la grotte de la Dormition. Le 13 aout est arrive l'archeveque Innokenti ; le 14 aout c'est le venerable starets, eveque et Metropolite grec Agathangel qui est venu de Sebastopol en tant que representant de l'ancien Athos pour la consecration du nouveau. A cause de l'extreme agglommeration dans l'eglise, l'office des Vigiles a ete celebre sur une petite place devant l'eglise, et le peuple, repandu en gradins sur le mont, pouvait non seulement ecouter les chants mais voir la ceremonie religieuse aussi.

Au moment convenu, les serviteurs du culte presents, ainsi que le peuple, ont ete oints avec l'Huile Sainte par l'archeveque Innokenti, tandis que ceux qui etaient places en bas du mont ont ete oints par les deux autres archipretres. Commence a 5 heures, l'office s'est prolonge apres le coucher du soleil, eclaire uniquement par les cierges des fideles, et plus encore, par leur foi inextinguible. Cela rappelait les assemblees des premiers chretiens qui, pour accomplir leur priere, se reunissaient dans les deserts et les grottes.

Le 15 aout a 9 heures, apres la premiere messe celebree par l'archipretre local Konstantin Spirandi dans la cathedrale de Bakhchisarai, la procession religieuse a pris la route qui partait de la cathedrale vers le rocher en passant par une rue tres etroite et sinueuse de Bakhchisarai, ornee d'un cote de l'avant-toit des roches vierges, et de l'autre, des ombres silencieuses des arbres epais si repandus a Bakhchisarai. Le clerge, arrive de divers endroits de Crimee et vetu de blanc, un nombre significatif de gonfalons et de reverberes ainsi que le ch?ur retentissant, lui aussi en grande tenue, conferait a la procession une splendeur toute particuliere.

Mais l'element principal de la procession etait la Sainte Icone de la Dormition de la Mere de Dieu, recue de la Laure de Kiev pour la benediction du nouveau monastere en Crimee. Elle etait portee par les deux archipretres les plus anciens de l'assemblee. Au pied du rocher, l'eveque et la procession ont ete accueillis par les futurs habitants du monastere, munis d'une Croix et d'eau benite. En meme temps, la Divine Liturgie celebree par l'eveque et Metropolite Agathangel a commence dans la roche. A la fin de la Liturgie, l'archeveque Innokenti, le Metropolite et tout le clerge ont accompli devant le temple de la Sainte Dormition une priere pour la fondation du nouveau monastere selon les regles ecclesiastiques.

Ensuite, les deux eveques ont erige une croix en bois avec l'inscription de la date d'ouverture du nouveau monastere. L'archeveque Innokenti est monte dans l'ambon et a prononce un discours epanche de la plenitude des sentiments pastoraux et par l profondement touchant pour l'auditoire.

" Que faisons-nous?"- disait-il- Nous avons devant nous ce rocher avec son sommet probablement antediluvien ; derriere, nous avons les falaises avec leur hauteur inaccessible ; autour de nous ? le fourre et le desert. Et dans ce desert, vers ces rochers et falaises ont afflue tous ces pelerins ? Quest-ce qui vous a attire, mes freres ? Vous y etes sans doute attires non pas par des raisons et interets terrestres, car alors que trouveriez-vous dans ce desert ? Par l'appel de la chair et du sang non plus : quelle nourriture pour vous parmi ces cailloux ? C'est la foi vivante en notre Dieu et Sauveur, le nom duquel est glorifie en cet endroit qui nous y a attires, ainsi que notre amour vivant pour Sa Tres Pure Mere, qui a choisi ce rocher comme demeure par l'apparition de son icone depuis tres longtemps. Au nom de notre Seigneur et de sa Tres Pure Mere nous vous benissons, nos freres, pour la foi et les efforts que vous manifestez maintenant et que vous avez manifestes chaque annee, meme lorsque ce saint lieu etait delaisse de tous.

Malgre toutes les vicissitudes du temps et les circonstances adverses, vous avez continue a croire et a aimer ce saint rocher. Voila que Dieu a accompli votre souhait : cet endroit que vous aimez tant va retrouver son ancien prestige et sa splendeur.

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Dorénavant, en visitant cet endroit, vous pourrez y trouver la prière et l’office divin auusi bien que le mode de vie monastique à l’instar du Saint Mont Athos, non seulement le jour de la fête patronale, comme c’était auparavant, mais tout le long de l’année. Qui de vous n’avait pas entendu parler de ce Mont miraculeux où, jour et nuit, des milliers de bons moines et humbles ermites adressent leurs prières ardentes au Seigneur pour la paix du monde entier ? Dorénavant, dans les confins de notre pays, dans nos montagnes, nous aurons le bonheur de voir l’image de l’ancien Athos !

Oh, quel majestueux et glorieux avenir pour nos montagnes !

Je pense voir l’accomplissement de ce qui aujourd’hui est seulement au point de commencer ! Je vois Saint Vladimir visiter en esprit le temple où il a reçu autrefois le baptême de la foi pour lui et pour toute la Russie ! Je vois Saint Stéphane de Souroge trouver un abri pour ses fidèles dans ces vallées qu’il a abreuvées des eaux vivifiantes de la Sainte Doctrine les jours de la lutte contre la vénération des icônes ; je vois les Sept Saints Martyrs de Khersson, presque oubliés aujourd’hui, qui, dans les temples qui leur sont dédiés, se réunissent en esprit avec leurs fidèles pour leur faire un sermon sur l’exemple de leur vie ; je vois les pontifes de Rome Clément et Martin revenir sur les lieux de leurs retraite et travail ascétique et les retrouver non pas dans l’abandon, comme à présent, mais servant d’endroit privilégié pour célébrer l’office divin dans toute sa richesse ; je vois enfin le Disciple et Apôtre qui, le premier, a prononcé le nom du Christ dans nos montagnes et ensuite dans toute la Rusie, et je vois ce nom attribué avec honneur à nos églises !

Béni soit le Seigneur qui a montré autant de bienveillance à cet endroit dans nos montagnes ! A présent, il nous appartient de cultiver chez nous les fruits de cette divine et vivifiante vigne dont il est dit : « Je suis la vigne, vous êtes les rameaux ».

Nous tenons à montrer notre reconnaissance envers le Très Pieux Monarque qui n’a pas dédaigné notre prière et a ordonné la reconstruction de ce qui avait été abandonné durant des siècles ! Apportons donc ensemble, mes frères, nos ferventes prières devant le Seigneur, afin que nos bons voeux soient exaucés et nos efforts ne soient pas vains. Car si ce n’est Dieu lui-même qui bâtit ici une maison pour la gloire de son Nom, vains seront nos efforts à nous, les bâtisseurs.

Seigneur ! Toi qui vois la profondeur des cœurs et des pensées, Tu vois maintenant notre bonne volonté de restaurer ces lieux saints, répandus dans nos montagnes ! Regarde donc, du haut de Ta Sainte Gloire, et envoie Ta Grâce sur ce lieu et sur tous les lieux qui attendent leur restauration !

Mère de Dieu, Toi qui as choisi pour demeure le Saint Mont Athos, aies la bienveillance de couvrir nos montagnes de ton voile tout puissant et prends-les sous ta protection maternelle !

Saints pères et serviteurs du culte, martyrs et croyants, notre terre a été arrosée et consacrée par votre sang et vos larmes, venez à l’aide de notre impuissance, que la Croix du Christ pour laquelle vous avez donné votre vie regagne ici son préstige. Amen ».

Pour conclure la procession, l’assemblée a chanté de longues années au Très Dévot Souverain Empereur ainsi qu’à l’entière Auguste Maison, au Saint Synode, aux bienfaiteurs du nouveau monastère et à tous les chrétiens orthodoxes.

Lorsque la cérémonie semblait toucher à sa fin, soudainement, plusieurs personnes vêtues humblement comme des moines sont sorties des rangs des prêtres et se sont prosternées devant l’archiprêtre en demandant la bénédiction pour leurs futurs exploits spirituels.

En les relevant, l’archevêque leur a adressé un discours particulièrement émouvant et un sermon commençant ainsi : « Par votre nombre et votre humble apparence, mes frères, vous représentez ce petit troupeau auquel notre Sauveur s’adresse dans les Evangiles : « N’aie pas peur, petit troupeau, car votre Père vous a accordés le Royaume ».

Ensuite, le Monseigneur a donné sa bénédiction aux futurs moines avec l’icône de Saint Mitrophane et la procession a pris fin.

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De l’auteur :

*Innokenti, archevêque de Khersson et de Tavrida, est un théologien remarquable, membre de l’Eglise Orthodoxe Russe et patriote de la Terre russe. De son nom civil, Ivan Alexéévitch Borisov. il est né dans la province d’Orlov en 1800, dans la famille d’un prêtre. Il a fait ses études au séminaire d’Orlov et au séminaire de Kiev> Il st devenu docteur en théologie et, depuis 1847, membre du Saint Synode. A des moments différents, il a été recteur du séminaire Saint Alexandre Nevski de Saint-Pétersbourg, recteur de l’Académie de Théologie de Kiev, et il a été aussi à la tête des diocèses de Vologda, de Kharkov, de Khersson et de Tavrida.

L’archevêque Innokenti s’est distingué par son talent d’orateur, par l’étendue de ses connaissances et par le grand nombre d’œuvres écrites. L’amour du serviteur du Christ pour ses fidèles s’est manifesté vivement et avec ardeur pendant les événements redoutables de la guerre de Crimée et la première défensive de Sébastopol en 1854-55. L’activité patriotique de l’archevêque Innokenti encourageait particulièrement le moral et l’esprit des défenseurs de la Patrie. Pour le service exemplaire rendu à l’Eglise et à la Patrie, il a été décoré plusieurs ordres et d’une croix en diamant destinée à être portée sur le froc. Il est décédé en 1857 à Odessa.

*Depuis ce temps, le jour de la fête patronale, les Vigiles sont célébrées sur cette place. Ev. de st.Luc. Ch.12, p.32.


CHAPITRE III

STATUT ACTUEL DU MONASTERE DE LA DORMITION
Le monastère compte 50 ans depuis son ouverture. 13 supérieurs se sont succédé durant cette période :
Archimandrite Polycarpe (185-1853) ;
Archimandrite Mitrophane (1853-1854) ;
Archimandrite Véniamine (1854-1855) ;
Archimandrite Nicolaï (1855-1864) ;
Archimandrite Dionissi (1864-1868) ;
Hiéromoine Flaviane (1868-1869), aujourd’hui archevêque exarque de la Géorgie ;
Archimandrite Mikhaïl (1869-1871) ;
Hiéromoine Flaviane pour la deuxième fois (1871-1873) ;
Archimandrite Antoni (1873-1877) ;
Archimandrite Dionissi pour la deuxième fois (1877-1883) ;
Hiéromoine Evfimi (1883-1885) ;
Hiéromoine Guérman (1885-1887) ;
Higoumène André (1887-1890),
Archimandrite Isidore (1890-1900) ;
Higoumène de la Féodossia (du 26 sept.1900 au 6 févr.1901) ;
Hiéromoine Arkadi - depuis le 6 février 1901.